Aimé Jacquet, ancien directeur technique national de la FFF et sélectionneur des champions du monde 1998, est à l’origine du développement et de la structuration du football féminin. Il a évoqué avec émotion l’évolution de l’Équipe de France féminine.
A t-il dû convaincre pour débuter le développement du football féminin en France ?
« Oui mais j’étais dans les meilleures conditions car du travail avait déjà été fait et on avait Clairefontaine, la maison du football. On venait de créer un outil de travail exceptionnel. On était la première fédération au monde à le faire. Nous avions Clairefontaine et les filles y avaient leur place. J’ai dit qu’il leur fallait un bâtiment. Cela n’a pas été difficile mais il a fallu expliquer. Beaucoup étaient réticents ou n’y croyaient pas trop mais ce premier pas a été un pas de géant. Avoir nos meilleures joueuses ici, s’entraîner tous les jours, retourner dans leurs clubs défendre leurs couleurs, revenir la semaine à Clairefontaine… C’était exceptionnel. »
Le barrage retour décisif contre l’Angleterre en novembre 2002 ?
« C’était extraordinaire. On avait convaincu Canal+ avec Thierry Gilardi, Monsieur Michel Denisot et bien d’autres de téléviser la rencontre afin de rendre visible notre Équipe de France féminine, qui jouait à Saint-Étienne dans un stade avec une capacité de 25 000-30 000 personnes. A l’époque, les Anglaises étaient un peu au-dessus de nous mais il y avait de l’euphorie car on venait de les battre chez elles. Ce match était de la folie, c’était une récompense pour cette génération. Elles ont répondu présentes. Magnifique. Il n’y a même pas de discussion. On n’a pas surclassé le match car avec les Anglaises il faut toujours faire attention mais on l’a maîtrisé avec beaucoup de conviction, de réalisme et même d’audace parfois. Et puis il y a ce but de Corinne Diacre, elle est éternelle pour nous. Je me souviens quand elle est arrivée au stage pour devenir entraîneure professionnelle, la première femme à se présenter parmi tous ces hommes ! Cette qualification pour la Coupe du monde est la récompense du travail de ces filles. De la détermination dont elles ont fait preuve lors des deux tours de barrage. Élisabeth avait tellement travaillé pour ça. »
Son avis sur l’Équipe de France féminine d’aujourd’hui :
« À l’image du dernier match que j’ai vu à la télévision, je me suis dit : ‘‘Là, quelque chose est en train de se passer’. J’ai été admiratif car on a enfin compris qu’avant de jouer au football, il y a un combat à disputer. Un combat psychologique et un combat physique qu’on a accepté. Là, je crois que le pas est franchi. Cela laisse augurer de beaux jours tout en sachant que dans le football rien n’est acquis, c’est un éternel recommencement. Mais je suis très optimiste surtout que j’ai échangé avec les filles qui travaillent dans la formation, notamment Peggy (Provost) qui a été championne d’Europe avec la sélection U17 féminine en 2023. Elle m’a dit qu’il y avait un vivier derrière et du talent chez les jeunes. Le football français masculin a été sauvé par les centres de formation et les centres de pré-formation. Il n’y a pas de raison qu’un jour nos filles ne soient pas récompensées. »
Concernant Hervé Renard :
« Dans le football féminin, il est bon de temps en temps d’avoir des gens qui ont un profil différent et qui amènent autre chose, une autre vision, une autre sensibilité, une autre manière d’opérer et d’organiser. C’est ce genre de petites choses qui font parfois les grandes histoires et les différences. »
Le plan de développement du football féminin de haut niveau est en cours :
« C’est fantastique. Il faut toujours être ambitieux et je suis très optimiste. J’avais une petite crainte il y a quelques années où, très modestement car ça fait longtemps que j’ai décroché et ne me permets pas d’émettre un avis, pour avoir accompagné et défendu ce football féminin, je craignais qu’il regresse. Je m’en étais ouvert à des gens que je connaissais bien et on m’avait rassuré en me disant : ‘‘Non, ne t’inquiète pas, ça travaille bien et c’est à nous, la Fédération, de structurer et mettre en place le cadre’’. C’est essentiel pour assurer que cette masse puisse évoluer en étant bien entouré. Il faut leur donner la possibilité d’être bien encadrées. Ce qui est le plus important dans le football, c’est celui qui en a la charge et pour moi, c’est l’éducateur ou l’éducatrice. J’ai bien dit éducateur, je n’ai pas parlé de coach ! Attention, l’éducateur c’est l’homme ou la femme indispensable qui va donner de l’amplitude, de l’audace, de l’enthousiasme et qui va récupérer toutes ces jeunes pleins de vie qui ont envie de jouer pour leur transmettre. C’est une philosophie différente, beaucoup l’ont oublié mais la compétition passe après. Parlons d’abord de la petite fille, de la jeune femme, de la femme et comment on peut lui tracer son chemin de vie. » (Déclarations et image via fff.fr).